né en 1978 à Dax, France
vit et travaille entre Toulouse et Bayonne, France
Diplômé de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris (2005), avec les félicitations du Jury, le travail de Raphaël Larre se caractérise par une recherche autour du dessin en mouvement déclinée sous différents mediums : papier, animation, performance.
Cherchant à questionner la ligne, ses dessins trouvent leurs origines dans l’observation de scènes de la vie quotidienne et de corps en action. Ses dessins interrogent le mouvement et la vie qui l’entoure avec légèreté, humour et une certaine fragilité. Sa pratique réfléchit de nouvelles fabrications de dessins, qu’il aborde depuis ses débuts comme des aventures collaboratives.
Il a participé à de nombreuses résidences artistiques comme la Casa de Vélazquez – Madrid (2006-2008) et fait l’objet de plusieurs expositions en France et à l’étranger (Centro de Arte Joven – Madrid, 2008 ; BBB – Toulouse, 2009 ; Tabacalera – Madrid, 2011 ; bourse d’aide à la recherche Cnap – Cordoba, Argentine, 2011 ; Institut Français de Madrid, 2017 ; Art Busan – Corée du Sud, 2019 ; Institut Français de Berlin 2022 ; et a reçu plusieurs prix comme celui du Museo Gregorio Prieto – Espagne (2007).
Raphaël Larre par Catherine Elkar
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À la recherche de nouvelles formes de fabrication du dessin, Raphaël Larre dessine, par Anne-Laure Lestage
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Les mouvements du dessin, par Hélène Saule-Sorbé (professeur d’arts plastiques à la Université de Bordeaux)
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Positiva indisciplina artística par Daniel González Xavier
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Les mouvements du dessin
« Je ne sais pas d’art qui puisse engager plus d’intelligence que le dessin. Qu’il s’agisse d’extraire du complexe de la vue la trouvaille du trait, de résumer une structure, de ne pas céder à la main, de lire et de prononcer en soi une forme avant de l’écrire… »1
Synchrones, l’œil et la main
Le trait est incisif, trait d’humeur du jour, rapide comme le sont les brèves de carnet de bord ou trait d’observation fluide comme le sont les corps sur la plage. Tantôt trace de perception, tantôt tracé d’expression, déposés par le mouvement vif de la main. Une main qui ne traîne pas et dont le mouvement épouse celui du regard. La main verrait-elle plus vite que le regard lorsqu’elle œuvre sur le vif ?
Des pages en mouvement
Dessins, scènes ou instantanés sont à l’échelle de la page et l’échelle de la page est celle d’une vignette de BD. Le carnet qui les sédimente tient entre le pouce et l’index, ce pouce et cet index qui pousse le crayon et pointe le visible. Le carnet tient du flip book qui met en séquence des images – une par page – et se feuillette par pression glissée du pouce sur la tranche. Il en résulte, un rien saccadées, impression de mouvement et fugace animation2.
Celle-ci tient à la fois de la fiction elliptique ou de l’histoire en images, de la chronique graphique et du dessin animé. Je pense aux courtes photo-séquences de l’Américain Duane Michals, facéties surréalisantes en moins. Car Raphaël Larre est profondément attaché au réel, « en prise avec ». Il aime regarder ses semblables, les étudier avec l’acuité du dessinateur et la curiosité distanciée d’un anthropologue doué d’humour.
Cela pourrait s’arrêter là, mais non
Raphaël Larre est un artiste au sens plein du terme, il pratique l’art du dessin avec une virtuosité instrumentale et conceptuelle indéniable et variée. Avec une vive intelligence aussi. Il faut entendre ce mot comme la capacité de transformer un monde de choses en un monde de signes – je pense aux dessins de plage de Beach et aussi aux dessins de sable de Toccata –, ou encore comme la faculté d’expliquer le monde et de s’expliquer avec lui – je pense aux Actualitraits qui décantent les images de la presse. Ils répondent pleinement à la double acception sémantique du terme latin disegno qui a généré les vocables dessein et dessin dans la langue française, soit l’idée, le projet, et l’œuvre ou la trace graphique. « Cosa mentale » souffle Léonard de Vinci.
Le style du mouvement
L’intelligence se traduit dans les choix techniques, lesquels forgent une dimension esthétique et artistique singulière. Il y a d’abord le style, et son complice le stylo – pilot, 0.5. Style, au sens propre, désigne le poinçon qui servait à écrire sur les tablettes enduites de cire de l’Antiquité, avant de définir les moyens d’expression, puis enfin la « manière personnelle » de s’exprimer. « Le style est l’homme même […] Le style, poursuivait Buffon, n’est que l’ordre et le mouvement qu’on met dans ses pensées. Si on les enchaîne étroitement, si on les serre, le style devient ferme, nerveux et concis »3. Il y a de cela dans les suites graphiques du jeune artiste. Il y a ensuite le mode de présentation ou d’exposition qui utilise la projection lumineuse et géométrique et décuple la taille des vignettes – sur écran mural ou sur lecteur numérique, principe qui confère une vibration palpable aux contours et aux amoncellements de traits, une respiration aux corps, une expressivité aux visages. Le trait a du corps… et le mur ou la page du souffle…
De l’air frais dans les références
L’œil de l’amateur d’art, à les regarder, sait que certains dessins de charge à la Daumier, que la ligne arabesque ou les repentirs graphités de Matisse, les contours silhouettes de Toulouse-Lautrec et, plus récents, certains « gris-bouillonnements » de Cy Twombly, peut-être aussi les libertés libertines du Picasso de la Suite Vollard, composent un musée imaginaire qui gagne à être ainsi rafraîchi, même concurrencé par le 7e art, la BD, les dessins des humoristes tels Wolinski, Willem ou Sempé et l’art interactif d’un Zachary Lieberman.
L’art de Raphaël Larre surfile le monde en marche et réactive notre vision du dessin comme forme artistique.
1 Paul Valéry, Degas Danse Dessin, Gallimard, 1938, rééd. Folio, coll. Essais, Paris, 1998.
2De l’ordre de l’amusement populaire, fin XIXe-début XXe, encore fabriqué de nos jours, le flip book (du verbe to flip over ou to flip through : feuilleter) est le nom américain, plus connu que son appellation française, du folioscope (parfois aussi appelé kineograph, feuilletoscope ou cinéma de poche).
3 Buffon, Discours sur le style, 1753
Hélène Saule-Sorbé
Professeur d’arts plastiques
Université de Bordeaux
À la recherche de nouvelles formes de fabrication du dessin, Raphaël Larre dessine. Un crayon, de l’encre, un papier, il se concentre sur l’essentiel. Guidé par le mouvement, ses dessins sur papier, animés ou performés, représentent les choses de la vie – la rue, les gens, les arbres – sans hiérarchisation. En dessinant sur l’instant, Raphaël Larre sort de l’atelier pour saisir l’éphémère avec légèreté. À l’image du Parti pris des choses de Francis Ponge, ses dessins fonctionnent comme des poésies vivantes, parfois narratives, métaphoriques, contemplatives ou drôles. Comme un nuage qui passe dans le ciel, ses dessins tentent de donner une forme de beauté́ à un quotidien banal.
Pour l’exposition le Grand bain, il s’appuie sur la légende des trois fontaines de San Juan Xar, en Navarre (Pays basque espagnol), dont l’eau claire et fraîche guérit les maladies de peau. L’eau, élément fort de la région, notamment avec la culture de l’océan sert ainsi de prétexte à rapprocher sa vitalité à la fluidité de la ligne. L’exposition met ici en abyme un site régional situé à l’écart du littoral, moins fréquenté, rejoignant la manière d’intimiser le monde tel que l’envisage l’artiste.
Composée de dessins muraux au fusain et d’œuvres à l’encre sur papier, les eaux vives foisonnent au milieu de nature, guidées par le même souci de clarté. La ligne s’anime et s’amuse à devenir brodée cherchant à exalter les bienfaits de l’eau. Nourrie de références à l’histoire de l’art – les baigneuses de Cézanne et Picasso, les nus dans le bain de Bonnard – l’exposition est le fruit d’un travail collaboratif et artisanal initiée par la galerie a mano studio aux côtés de Nadia Khemissi, brodeuse, qui a tenté de retranscrire la magie de l’eau à partir de dessins de l’artiste et avec la complicité de la céramiste, Nathalie Barbet, pour la réalisation des formes en argile. Entre faits légendaires et observés, le dispositif d’exposition propose un nouvel espace sacré aux frontières du réel et de l’irréel, que la lumière des chandeliers de Bella Hunt & DDC accompagne tels des offrandes aux dieux imaginaires.
Anne-Laure Lestage
Commissariat et texte
Raphaél Larre
Né en 1978 a Dax.
2006 Exposition 1”4, galerie Schirman €: De Beaucé / 2005 Traits Quotidiens, galerie de l’Espace arts et culture, IUFM de Bretagne, Rennes; Mois de 1 Estampe, atelier de lithographie «A Fleur de Pierre», Paris / 2004 Biennale de lestampe grand format, Venise, Italie.
Par le dessin et l’animation, Raphaél Larre traque ces moments fugaces de la vie quotidienne qui constituent de féconds révélateurs de la nature humaine. Un tracé elliptique, la fluidité des enchaínements sont les outils de cette capture du réel qui propose au regardeur autant de breves rencontres, dróles ou grincantes avec lui-méme. Le dispositif de lexposition, espace de projection et mur d’images, qui reprend en le perfectionnant celui du diplóme, permet de mettre en évidence la qualité tout autant graphique que scénaristique de son travail.
Catherine Elkar
En un período del arte contemporáneo, caracterizado por procesos de creación multidisciplinarios, Raphael Larre se encuentra en la franja de artistas que practican o anticipan lo que podríamos definir como una positiva indisciplina artística, es decir, figura entre lo indisciplinado y el dominio conceptual de varias disciplinas. Sus métodos hacen uso de dinámicas que evitan la simple y « respetuosa » sobreposición de los campos artísticos para transmutarlos a partir de una comprensión coherente y arriesgada de los métodos de creación contemporáneos.
La práctica de Raphael Larre tiene como acción motora el dibujo, cargado de un sentido de praxis transversal. A través de él se inician todas sus líneas de creación que recorren prácticas multimedia y propuestas estéticas críticas para, por fin terminar, ¿Sabes dónde? En el propio dibujo.
Es peculiar el hecho de que en esta etapa final no se pueda separar la fase de dibujo como acercamiento y la fase de dibujo como proceso final. En su caso se funden el borrador analítico con la obra final retocada. Surge un abrirse al mundo a través del dibujo en el cual carbón, grasa, seco, semillas, lápiz y papel son, a la vez, herramientas multimedia e instrumentos musicales, perfilando un art-story board que deviene en partitura musical.
En los multi-proyectos artísticos de Raphael Larre, la gestualidad /inmediatez son el máximo denominador común. Esta energética actitud, el artista imprime a través de la ilustración, grafiti y vectorial generando resultados estéticos fronterizos entre el minimalismo abstracto, el cómic, el arte urbano y la ilustración figurativa . Sobre sus dibujos y texturas monocromáticas Raphael aplica técnicas de animación y edición digital, desde luego distantes de la saturación y lo aséptico proveniente de los usos estándares de los avanzados programas de postproducción. El artista permite que sus dibujos respiren y se entremezclen de manera espontánea generando ritmo y compás que que aportan intrínsicamente a lo visual una condición musical análoga. En la fase pre-expositiva el artista se convierte en un director de orquesta concibiendo lo visual como una pieza de composición sonora.
Los temas recurrentes en el trabajo de Raphael Larre están relacionados con los aspectos sociales de la vida. En este caso hace hincapié en la utilización del vídeo, fotografía y de sus memorias corrientes que actúan como un sensor de la cotidianidad. Estas experiencias se traducen en secuencias de animaciones en las que el dibujante maximiza con humor las costumbres, manierismos, tics y gags visuales de personajes anónimos y urbanos al modo del director y actor francés Jaques Tati.
Esto se confirma en los trabajos « Traits Quotidiens », dibujos en movimiento substraídos de sus cuadernos repletos de situaciones observadas en la calle, playas, etc… Ya en « MM », homenajea a Madrid a través de dibujos en prosa sobre el imaginario de Goya contrastado con temas como el sexo, la bebida y la comida en esta ciudad en la que actualmente vive y donde ejerce el oficio de voyeur creativo.
En « Actualidades » el artista parte del mismo ejercicio visual para acercar sus dibujos de manera ácida al actual panorama de la política internacional. En este proyecto al artista también experimenta con sonidos concretos y efectos incidentales. En esta pieza audiovisual, dividida en microcapítulos cuyos títulos son los nombres de los doce meses del año, Raphael nos lleva a una experiencia catártica y surrealista de un zapping-mediático dibujado a mano, como si pretendiese, a través de la inmediatez de sus dibujos, ordenar o buscar coherentes nexos en la esquizo-tempestad de la información que recibe. El artista contraataca a la (des)información con un contenido visual delirante, figurativo, onírico y veloz como contrapunto residual de los noticiarios y periódicos. Es como si concretase un encuentro estilístico entre el maestro del humor gráfico francés Georges Wolinski y el periodista y dibujante de cómics Joe Sacco.
Pero de todas las líneas actuales de creación de Raphael Larre, es en sus colaboraciones con artistas sonoros y performáticos que se evidencia, el potencial transartístico y rizomatico de su labor.
En la pieza acústica del compositor italiano Francesco Filidei titulada « Tocatta » Raphael Larre utiliza su método de creación de dibujos sobre arena para proponer un diálogo de gestos audiovisuales presentado en forma de vídeo-instalación expuesta en sentido horizontal.
Larre va en el sentido opuesto al ritual de lo habitual, no pretende alcanzar una traducción visual para el sonido y tampoco busca exprimir imágenes como símbolos de sensaciones o sentimientos. Su opción es convertir sus trazos en signos musicales provenientes de un vocabulario personal creado espontáneamente. Opera a partir de un universo acústico visual que alcanza una simbiosis audiovisual en lugar de simplemente sobreponer los códigos visuales sobre los sonoros.
Este método se extiende hacia su pieza, también audiovisual, « Detrás-Destraces » con la colaboración de la compositora japonesa Noriko Baba o en la performance « Fluxus Thing », creación colectiva de inmersión multimedia ejecutada en julio de 2007 en la Casa de Velázquez en Madrid.
Daniel Gonzalez Xavier